Autoroute CHB : qu’attend le gouvernement wallon pour demander la suppression de la zone de réservation ?

Communiqué de presse, jeudi 4 avril 2019

Les prises de parole publiques se sont multipliées, ces dernières semaines, en faveur de l’abandon du projet autoroutier Cerexhe-Heuseux/Beaufays (CHB), que les trois familles politiques traditionnelles défendaient encore bec et ongles il y a quelques mois à peine. C’est d’abord le CDH de Liège-Ville qui a changé son fusil d’épaules, en se positionnant contre l’autoroute lors du débat sur le Plan urbain de mobilité (PUM), en février. Dernièrement, plusieurs figures du Parti socialiste (PS) se sont déclarées hostiles à la réalisation de ce tronçon qui a longtemps été présenté comme le « chaînon manquant ». Ça a notamment été le cas de Paul Magnette, lors d’un débat organisé en mars par Inter-Environnement Wallonie (IEW), confirmé par plusieurs candidats liégeois du PS dans divers débats. On apprend aujourd’hui que la Sofico n’a pas inscrit le projet dans sa programmation budgétaire pour les cinq prochaines années, et le ministre Carlo Di Antonio (CDH) parle, dans La Meuse de ce jour, d’« une forme d’abandon du projet », tout en laissant la porte ouverte à un projet privé, qu’il juge cependant « fort hypothétique » (le MR, pour sa part, reste, aux dernières nouvelles, partisan de l’autoroute).

Pour autant, le ministre Di Antonio semble, de façon inexplicable, exclure de retirer la zone de réservation qui est inscrite au plan de secteur, au motif de l’absence de majorité parlementaire (alors que les voix du PS, du CDH et d’Ecolo suffiraient largement à obtenir une telle majorité). Cette zone de réservation « gèle » les propriétés situées sur le tracé et constitue un préjudice considérable, depuis des décennies, pour les personnes concernées. Au contraire, M. Di Antonio indique que la Région est disposée à... continuer à acheter les biens situés dans cette zone de réservation, comme si l’immense gaspillage d’argent public qui a caractérisé ce projet de bout en bout pouvait perdurer.

Cette attitude nous semble profondément inacceptable et nous demandons au gouvernement wallon d’amorcer sans délai le processus de suppression de la zone de réservation. Nous demandons aussi à tous les partis candidats aux élections à s’engager clairement à le faire s’ils font partie de la prochaine majorité régionale.

Tant que cette zone de réservation n’aura pas été supprimée, la plus grande vigilance restera de mise, notamment face au risque d’une concession du projet au secteur privé, que beaucoup, à Liège, continuent à envisager. Il est donc — malheureusement — tout à fait prématuré, à ce stade, d’annoncer l’abandon définitif du projet.

Au-delà, il importe de tirer les leçons de cet invraisemblable fiasco : le débat sur la mobilité dans l’agglomération a été littéralement momifié pendant au moins quinze ans par cette chimère autoroutière dans laquelle tous les partis gouvernementaux ont communié (rappelons que même Ecolo, lorsqu’il était au gouvernement en 2009-2014, a plaidé, avec son ministre Philippe Henry pour une « autoroute light » qui se différenciait fort peu du projet initial). Les conséquences de cet errement collectif sont profondes, notamment dans le retard que notre agglomération a accumulé dans la transition de son système de transports vers les alternatives à la route — retard qui, déjà considérable, s’est encore aggravé ces dernières années. Le Plan urbain de mobilité, récemment adopté, témoigne d’ailleurs de cette glaciation mentale (et du manque d’indépendance des bureaux d’étude par rapport aux injonctions politiques), en considérant, contre l’évidence, CHB comme un élément acquis du débat.

Il faut donc rappeler ici que l’agglomération de Liège a plus que jamais besoin d’un plan ambitieux et coordonné en matière de transport public, incluant le Réseau express liégeois (REL), dont le déploiement doit être accéléré, notamment en augmentant les fréquences dans la vallée de la Vesdre et sur la ligne de Visé (où plusieurs arrêts doivent être rouverts), une seconde ligne de tram vers la rive droite de la Meuse mais aussi un redéploiement et une réorganisation du réseau de bus qui ne saurait consister uniquement à renforcer les axes saturés existants, comme le TEC l’envisage actuellement.

Soulignons encore que, contrairement à ce que d’aucuns persistent à affirmer en dépit de l’évidence, l’abandon définitif de CHB ne serait nullement une mauvaise nouvelle pour les riverains de la Dérivation. CHB aurait en effet, à moyen terme, aggravé la situation sur les quais de la Dérivation, comme on le sait depuis l’étude d’incidences du projet CHB. Les comptages réalisés dans le cadre de la préparation du PCM ont d’ailleurs confirmé cette analyse, en montrant que le trafic sur les quais est très massivement dominé par la pénétration urbaine et non par le transit — et que la solution ne saurait donc passer par un contournement routier éloigné de la ville mais reposera sur le transfert modal d’une partie des déplacements entrant dans la ville, ce qui est l’objectif de la Transurbaine (seconde ligne de tram, vers Chênée) et du REL, qui doivent être au coeur des priorités des prochains gouvernements.

Rappelons enfin que VEGA est, sans conteste, dans ce dossier, l’organisation politique liégeoise la plus constante et la plus pugnace : nos militants sont engagés, pour certains d’entre eux, depuis bien avant la création de la Coopérative politique dans le combat contre l’autoroute et notre position, non seulement n’a jamais varié, mais a toujours donné à cet enjeu la place centrale qui était naturellement la sienne, en raison des budgets colossaux qui étaient envisagés (200, puis 400, puis 500, puis 600 millions d’euros, selon les estimations gouvernementales successives) mais aussi parce que CHB se dessinait comme vecteur inévitable d’une nouvelle vague d’étalement urbain, qui aurait lourdement préjudicié la qualité de vie des habitants de Liège et les finances communales de la Ville.

Il importe désormais de tourner cette page définitivement et de prendre à bras le corps l’immense défi de la transition énergétique de l’agglomération liégeoise.

François Schreuer
Conseiller communal de la Ville de Liège en congé de paternité

 

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